Quelques mots du réalisateur
Résumez-nous l’histoire du film. Un petit paysan algérien aime tellement sa vache Jacqueline qu’il rêve de la faire concourir au Salon de l’Agriculture. Quand sa demande est enfin acceptée, il l’emmène à pied jusqu’à Paris, en semant tout le long de sa route sa bonne humeur, sa naïveté et son humanité auprès des gens qu’il rencontre.
Comment cette idée vous est-elle venue ? Faire un road-movie à travers la France me trottait dans la tête depuis longtemps. C’est un pays que je connais plutôt bien parce qu’à partir de l’âge de 17 ans, et pendant des années, je l’ai beaucoup traversé en faisant notamment des colos, en tant qu’animateur. Et quand des gamins des quartiers rencontraient des locaux, paysans ou autres, ça donnait des moments extraordinaires qui m’ont beaucoup touché. Un jour, Fatsah, que je connais depuis dix ans, m’a parlé d’un de ses oncles, passionné d’agronomie et d’engrais, qui lui demandait régulièrement des infos sur le Salon de l’Agriculture qu’il aurait adoré visiter. J’ai fait, avec LA VACHE, le mix de tout ça. Je pense qu’inconsciemment, j’ai été marqué par LA VACHE ET LE PRISONNIER que j’ai vu dix fois dans ma jeunesse et aussi, par LITTLE MISS SUNSHINE, A STRAIGHT STORY, des road-movies que j’ai trouvé passionnants.
Vous êtes trois à avoir signé le scénario. Comment avez-vous travaillé ? J’ai bossé sur les grandes lignes de l’histoire avec Alain-Michel Blanc, pendant quasiment un an. Fatsah est arrivé à la phase des dialogues, mais il était au courant de la progression du scénario, parce que je souhaitais qu’il joue le rôle principal. On s’est inspiré de nos pères pour créer ce personnage, mais il fallait que les mots sonnent dans sa bouche et comme on a l’habitude d’écrire ensemble, notamment pour le Marrakech du Rire, on s’est beaucoup amusé.
On rit beaucoup tout au long de ce périple mais on est aussi attendri et souvent ému. Qu’avez-vous voulu dire à travers la réaction de tous les gens que Fatah rencontre ? Souvent, pendant l’écriture du scénario, on m’a fait le reproche d’être trop naïf et trop dans les bons sentiments. J’ai pourtant tenu ce parti-pris jusqu’au bout. Comme dans Les Lettres persanes, quand une personne parée de bonnes intentions et d’une nature positive arrive dans un milieu inconnu, elle récolte ce qu’elle sème. J’avais envie qu’il rencontre des gens accueillants, et ouverts avec lesquels un échange était possible. Avec une espèce de grâce, de simplicité, d’inconscience et de gentillesse, il se permet de tout dire et non seulement les gens ne lui en veulent pas, mais ils l’adorent. Mon père, d’origine rurale aussi, était comme ça, très premier degré, mais d’une manière tellement bon enfant que personne ne le prenait mal. Je ne voulais pas être dans l’agressivité et dans le stéréotype du rejet systématique de l’immigré. Je pense d’ailleurs qu’aujourd’hui, un mec qui se baladerait sur les routes avec une vache provoquerait cette sympathie-là. Surtout quelqu’un comme Fatah.
(source : dossier de presse)